dimanche 24 janvier 2010

Haïti : Chaos, désolation et controverse


Haïti. Qui n’a pas entendu parler de Haïti ? Le séisme de magnitude 7,3 sur l’échelle de Richter survenu mardi 12 janvier a à peu près égalé le tsunami du 26 décembre 2004 sur le plan médiatique, et n’en est pas loin non plus du point de vue des victimes, bien que les chiffres soient encore très incertains : entre 100'000 et 200'000, même si certains affirment 75'000. Le nombre de blessés tourne autour des 250'000, et le nombre de sans abris se situe entre 1,5 et 2 millions, chiffre variant selon les sources.

Pourquoi une telle incertitude sur le nombre de morts, qui va du simple au double, voire même plus ? Les raisons sont multiples.

Premièrement, à cause du chaos qui règne sur place. En effet, 10% des bâtiments sont détruits (notamment les bâtiments publics, ce qui rend inopérant tout l’appareil de l’état), des cadavres jonchent le sol, les sans-abris se construisent des campements de fortune là où il y a de la place : le tout a pour conséquence d’entraver grandement la circulation, donc la distribution de nourriture, d’eau, de soins, et l’évacuation des corps ; par conséquent, il est difficile d’évaluer le nombre total de cadavres. De plus, des centaines de personnes sont certainement encore prises sous les décombres. Cette situation pose problème, autant pour le risque d’épidémies, surtout dans ce pays à la température élevée (32°c. à Port-aux-Princes), que pour les survivants, blessés ou affamés, à qui on n’arrive pas à faire parvenir des soins et de la nourriture. Les blessés actuels, manquant de soins, continuent d’alourdir le bilan.

Par ailleurs, dès qu’on croit que la situation s’apaise un peu, une réplique vient remettre le désordre : depuis mardi ont eu lieu 51 secousses secondaires, dont la plus violente a fait trembler le pays mercredi à hauteur de 6 sur l’échelle de Richter.

Deuxièmement, pour des raisons de sécurité. Haïti est le pays le plus pauvre du monde après les pays d’Afrique noire, et est en grand manque de nourriture : vous avez sûrement déjà entendu parler des fameuses galettes de boues commercialisées dans la pays quand les prix sont trop hauts pour ne survivre même qu’avec du riz. Alors bien sûr, à l’heure où 1 millions de repas ont déjà été distribués et où l’approvisionnement continue à arriver, de nombreuses personnes tentent d’en profiter : tous les supermarchés ont déjà été pillés, des détournements de camions de victuailles ont eu lieu, et un braquage armé du camion d’une ONG a poussé cette organisation à quitter le pays, de peur des dangers énormes auxquels ils doivent parfois faire face. Une quelconque estimation est donc rendue difficile dans de telles conditions.

La violence est depuis une trentaine d’année courante à Haïti, où même la facade du siège de l’ONU est criblée de balle et où, dans certains bidonvilles, les forces onusiennes sont forcées à se déplacer dans des véhicules blindés pour se protéger des attaques. Mais un facteur rend cette violence plus dangereuse encore : elle est ciblée. En effet, de nombreux Haïtiens sont non pas surpris mais extrêmement mécontents de voir que, dans de nombreux cas, les sauveteurs se sont d’abord précipités vers les zones touristiques telles que les hôtels pour tenter de sauver les étrangers. Et on reproche aux américains d’envoyer des troupes pour laver leur conscience après avoir appuyé plusieurs coups d’état, l’installation de milices dans les années 90 et l’introduction d’OGM stériles qui ont ruiné une grande partie des paysans forcés à partir dans les bidonvilles. Les sauveteurs étrangers ne sont donc pas toujours bien vus, accusés d’aider pour se blanchir auprès du gouvernement.

Troisièmement, on peut évoquer des raisons politiques aux différentes estimations sur le le nombre de décès. On le sait tous, plus il y a de morts, plus les gens à travers le monde sont généreux, et plus les pays sont prêts à envoyer de l’aide humanitaire. Le gouvernement haïtien est d’ailleurs celui qui annonce le nombre de morts le plus haut, à savoir 100'000 à 200’000. La protection civile haïtienne, qui a plutôt intérêt à ce qu’on revoie le nombre de morts à la baisse pour montrer son efficacité, déclare 75'000 morts, mais n’est pas la seule à le faire. C’est un bilan assez largement accepté de par le monde. Le ministre de la santé, qui aurait bien besoin de fonds pour aider les blessés sur place dans les rares hôpitaux encore fonctionnels de la ville de Port-au-Prince, annonçait, lui, un demi-million de morts.

On ne peut bien entendu pas les blâmer car, que les victimes se comptent en dizaine ou en centaines de milliers, le choc est énorme pour le pays et l’aide, si généreuse qu’elle soit, ne sera jamais suffisante pour relever le pays d’une telle catastrophe.

Alors doit-on s’arrêter au nombre de morts, aux images plus ou moins touchantes qui nous parviennent ou au nombre de Français décédés sur place pour réfléchir à la question : Doit-on aider les Haïtiens ? La souffrance des survivants est elle si différente en fonction du bilan final ?!

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